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Du dépistage à la prise en charge de la surdité de l’enfant

Dr Stéphane ROMAN

Service d’ORL Pédiatrique. CHU Timone, 264 rue St Pierre,

13385 Marseille Cedex 05, France.

Tel : 04.91.38.60.81.

Télécopie : 04.91.38.43.18.

e-mail : stephane.roman@ap-hm.fr

La surdité permanente néonatale (SPN) correspond à un déficit sensoriel dont la prévalence est estimée à 1/1000 naissances. Le retentissement des SPN se manifeste, en l’absence de prise en charge, par des perturbations du langage oral, de la voix, de l’articulation, de la parole et dans la moitié des cas, des difficultés cognitives, comportementales ou sociales.

Pour limiter ces perturbations, le rapport d’évaluation du dépistage néonatal systématique de la surdité permanente bilatérale de janvier 2007 de la Haute Autorité de Santé (HAS) est favorable à l’instauration d’une prise en charge précoce des surdités congénitales basée sur un suivi psychologique des familles, un accompagnement parental mené par l’orthophoniste, une réhabilitation prothétique instaurée dans les 4 à 6 premiers mois de vie et une éventuelle rééducation psychomotrice. L’étape préalable à une prise en charge précoce des SPN repose sur la systématisation du dépistage en maternité dont la recommandation est consécutive à plusieurs conférences de consensus internationales. La situation française est en décalage avec ces recommandations et l’âge moyen du diagnostic des SPN est compris entre 12,5 et 36 mois avec une relation inverse entre le degré de déficience auditive et l’âge de détection. Sur la base de ce retard diagnostic, un dépistage des troubles auditifs néonataux est également justifié en France selon le Comité Consultatif National d’Ethique (avis n°103).

L’objet de cette communication est d’aborder les modalités du dépistage néonatal des troubles auditifs et les modalités de prise en charge précoce de l’enfant et de sa famille en se basant sur l’expérience du programme de dépistage de la CNAMTS. Pour rappel, l’étude de la CNAMTS a débuté en 2005 pour une période de 2 ans, à Marseille, Bordeaux, Lille, Paris, Lyon et Toulouse avec pour objectif l’étude de la faisabilité et de l’impact du dépistage en maternité.

Le dépistage pour être efficace c’est-à-dire permettre un âge moyen de diagnostic avant l’âge de 6 mois doit être exhaustif et réalisé en maternité. Le dépistage ciblé sur des facteurs de risque ignore 50% des enfants déficients auditifs. Les données de l’HAS font état de 8% de nouveaux nés non testés en maternité en raison de sortie précoce, de transfert d’hôpital, de non réalisation systématique des tests de dépistage la nuit et les week-ends, de problèmes d’équipement. Il est clair que tout programme national de dépistage doit apporter des solutions pour prévenir ce type d’évènements. Des solutions se trouvent au niveau local et reposent en priorité sur la communication incessante autour de l’existence du dépistage.

Le dépistage n’est pas synonyme de diagnostic. Les tests réalisés en maternité permettent avec certitude de diagnostiquer une absence de troubles auditifs. C’est ce qui se produit lorsque le test de dépistage est dit négatif (plus de 95% des enfants testés), l’audition est alors normale. Quant le test est positif, aucun diagnostic n’est possible. Ces nouveaux-nés sont alors orientés rapidement (dans l’idéal 15 jours après la sortie de la maternité) vers un centre de diagnostic de référence qui est apte à déterminer le profil auditif de l’enfant. Afin de diminuer au maximum, le nombre de nouveau-nés orientés par excès vers un centre référent, les différents plans de dépistage privilégient les séquences test-retest en maternité.

L’annonce du diagnostic de surdité est réalisée par un médecin spécialiste de la surdité de l’enfant. La confirmation d'un trouble auditif peut nécessiter plusieurs consultations mais dés qu’il existe une suspicion « forte » ou à fortiori un diagnostic de surdité, un accompagnement parental est instauré avec un médecin du centre référent, et/ou un orthophoniste et/ou un psychologue. La prise en charge de la surdité est alors immédiate et précoce. Les arguments en faveur de cette attitude sont d’une part la nécessité d’encadrer l’annonce diagnostic potentiellement traumatisante et d’autre part de profiter sans retard de la plasticité cérébrale du nourrisson.

La suite de la prise en charge de l'enfant déficient auditif et de sa famille est réalisée conjointement par le centre référent et une autre structure pluridisciplinaire (CAMSP ou SAFEP) ou un orthophoniste libéral. La réhabilitation acoustique se fera par un audioprothésiste habitué à l’appareillage du jeune enfant et ce, le plus précocement possible après l’obtention de seuils auditifs fiables sur l’ensemble des fréquences conversationnelles. La prise en charge n’inclue pas seulement les aspects psycholinguistes et acoustiques mais également les aspects psychomoteurs et psychoaffectifs de l’enfant. La prise en charge est donc pluridisciplinaire avec également un versant médical pour la recherche notamment d’handicaps associés (30 à 40% des cas).

Pour autant, la prise en charge n’est pas rigide et demeure adaptée à chaque enfant selon un projet individuel établi et choisi par les parents en collaboration avec l’équipe de prise en charge. Ce projet tient compte de multiples paramètres : développement psychoaffectif, aptitudes communicatives de l’enfant, capacités intellectuelles, situation socioculturelle et socioéconomique de la famille, fratrie, handicaps associés, lieu d’habitation. Ce projet implique en guise de pré-requis une information objective et sans parti pris des familles sur les moyens de communication disponibles pour leurs enfants.

Le centre référent, au-delà de la période du diagnostic fonctionnel et de l’initiation de la prise en charge continue à suivre au moins durant les deux premières années les enfants afin de dépister les surdités évolutives, les handicaps associés et d’évaluer le développement global de l’enfant. A l’issue de ces évaluations, des adaptations dans la prise en charge de l’enfant peuvent être proposées aux parents et aux équipes (ré)éducatives.

CONCLUSION

La prise en charge néonatale de la surdité est la pierre angulaire du dépistage systématique en maternité. Elle doit reposer sur les principes de précocité, de pluridisciplinarité, de projet adapté et évalué. Ainsi, l’extension du dépistage en maternité doit être couplée à la structuration de réseaux de prise en charge sans quoi cette démarche de prévention secondaire demeurera inefficace.

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