Remarques et regards sur l'implant cochléaire
REMARQUES ET REGARDS SUR L'IMPLANT COCHLÉAIRE
Claire Eugène, Psychologue, CAPP, Paris
L'implant est très rarement le lieu d'un symptôme qui ouvrirait la voie d'une demande de consultation ou de thérapie.
Sauf parfois lorsqu'il y a embarras dans le choix. Et la demande est alors le fait de grands adolescents ou de jeunes adultes qui se posent la question d'être implantés.Le cadre
Dans le cadre de thérapies analytiques, l'implant cochléaire ne change ni les modalités du travail psychique, ni le discours des patients. En effet, il s'agit d'accueillir la souffrance pour en repérer les tenants et les aboutissants, les nommer pour les accepter et les dépasser, éviter qu'ils ne s'inscrivent en symptômes dans le corps, la scolarité, les relations.Du côté de l'enfant
Le psychanalyste peut être sollicité à des moments divers de l'évolution de l'enfant,car "si le désir est l'énergie vitale qui impulse la vie, il se manifeste bien souvent de manière obscure et détournée", dit Délia Kohen.
L'enfant se signale, interpelle, alerte par des symptômes et une souffrance qui y est associée. Ce sont des points d'appel, appel à ceux qui en ont la charge, parents, professionnels . Notre intervention sera alors de l'accompagner pour retrouver une trajectoire de vie moins coûteuse en énergie détournée du désir. Symptômes, douleur ou souffrance, pour qui?
Lorsqu'ils sont petits, ils ne "parlent" pas forcément de leur prothèse, numérique ou cochléaire. Elle peut être un objet-enjeu dans la relation aux parents, ils la retirent, la refusent, la perdent, alors qu'elle représente tant d'espoir parental.
Puis elle fait partie d'eux-mêmes, incluse dans l'image du corps, d'autant plus qu'elle apporte un confort certain. Et ce n'est pas d'elle qu'ils parlent.Ils parlent de leurs difficultés, de leurs soucis de vie, dans lesquels être sourd est un élément, être implanté est un élément, les deux ont des conséquences obligatoires, souvent lourdes en termes de scolarité, d'accompagnement de professionnels, d'exigences des parents. Mais ils disent les autres aspects de leur vie : l'amour des parents, des frères et soeurs, des copains, les découvertes intellectuelles, sexuelles, l'agressivité, la honte, ce qui interroge dans la vie.
Adolescents, ils se plaignent de ne pas être assez libres, de la vie pesante, de leurs amours, secrètes ou non, comme les adolescents entendants.
Du côté des parents
Spontanément ils l'évoquent peu. Il faut parfois les questionner dans les entretiens préliminaires. L'implant est un moment fort, un passage dans un itinéraire de surdité, mais ils ne viennent pas consulter pour cela. Nous avons pu toutefois repérer certaines fonctions psychiques de l'implant.
Le désir de réparation trouve une solution qui atténue l'angoisse face à l'impuissance, et à la culpabilité. L'effraction de l'implant cochléaire redouble, annule ou distancie l'effraction initiale du diagnostic. Illusion et déni sont présents, avec leur caractère positif, rappelons le, s'ils restent passagers, transitoires. Ils signalent la rapide amélioration de la vie quotidienne, familiale, puis la vie reprend sa force; l'implant n'exonère en rien d'éventuels moments de dépression consécutifs à des crises par exemple.Et la psy?
Sans visée évaluative, ni décisionnelle, sa connaissance de la surdité et de ses méandres, en fait une partenaire "supposé en savoir suffisamment" pour qu'il n'y ait pas à tout lui expliquer. Elle pourra ne pas confondre fantasmes et réalité, pointer ce qui est de l'ordre d'une subjectivité, et ce qui revient aux nécessités de la surdité, sans idéologie , sans à priori pour ou contre l'implant pour cet enfant-là, cette personne-là.
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