Idées reçues sur les prises en charge des surdités
Annie Dumont, Orthophoniste
Hôpital R. Debré, CAPP DA, Paris
De tous temps, le monde de la surdité a été traversé de questions, de débats et de diverses propositions techniques, éducatives, sociales, culturelles car les répercussions de la surdité touchent à ce qui est spécifiquement humain : le langage et la communication par la parole. Léonard de Vinci, Montaigne, Diderot ont écrit de fort belles pages sur les capacités des personnes sourdes à comprendre, ressentir, exprimer, vivre…dans le silence. Plus près de nous, l’histoire d’Helen Keller a définitivement intéressé de nombreux adolescents (dont certains sont devenus orthophonistes) au monde de la surdité. Quant à Mme Borel Maisonny, elle a développé les bases de la profession d’orthophonie autour du défi que constitue la surdité pour les thérapeutes de la parole et du langage.
Il semble donc étonnant que les jeunes professionnels expriment des craintes et se sentent parfois en difficulté pour assurer les prises en charge des personnes atteintes de surdité. Quelles sont les raisons de ces ressentis? Quelle est la place des orthophonistes dans les dispositifs de prise en charge des enfants diagnostiqués sourds dans leurs premières semaines de vie ? Quels sont les outils dont disposent les orthophonistes pour répondre aux demandes formulées par les parents d’enfants sourds ainsi que par les adolescents et les adultes sourds ?
1- Quelques situations du quotidien
Dans le cadre des consultations orthophoniques des services d’ORL nous recevons des bébés, des enfants, des adolescents, des adultes ou des personnes âgées dont la prise en charge au quotidien n’est pas assurée au sein du service hospitalier mais dans un réseau Ville Hôpital.
A titre d’illustration nous présentons sept situations cliniques rencontrées au cours des six premiers mois de 2007.
- Mickaël, âgé de 7 mois, est un enfant qui a présenté des problèmes importants et multiples à sa naissance (intervention chirurgicale lourde pour une communication intraventriculaire, séjour en réanimation…). Une surdité est suspectée car les potentiels évoqués auditifs révèlent une absence de réponse à 100 db. L’anamnèse effectuée au cours de l’évaluation orthophonique et l’observation du bébé mettent en évidence de bonnes compétences d’interaction et des réactions aux sons de parole et aux bruits ce qui correspond aux observations de la maman dans le cadre quotidien. L’audiogramme réalisé en cabine montre des réactions reproductibles à toutes les fréquences dès lors les anomalies révélées par le premier PEA semblent à resituer avec prudence dans un contexte neurologique. Le bilan orthophonique réalisé en lien avec les examens médicaux valide la mère dans ses observations. Il souligne ses compétences à répondre aux besoins de son enfant et l’aide à enrichir les contextes de stimulations et de communication avec son tout petit bébé. Un prochain rendez vous en orthophonie est fixé dans trois mois, conjointement à la consultation ORL de suivi. Ce «suivi-guidance » contribue à accompagner la famille en validant ses observations et en fixant des objectifs et des délais d’action. Ce travail permet également d’accompagner et d’orienter avec les médecins, l’enfant et la famille.
- Victoria (11 mois) sœur jumelle d’Alexandre, est prise en charge en CAMSP depuis le diagnostic de surdité profonde, porté quand elle était âgée de 9 mois. Les parents consultent dans le cadre d’un bilan complet pré implantation cochléaire. On découvre alors que si les parents apprécient la prise en charge pluridisciplinaire au CAMSP (aide de l’assistante sociale pour l’obtention des diverses compensations du handicap, psycho motricité, psychologue…) ils regrettent les délais de mise en oeuvre des actions orthophoniques. Alors que le dossier a été constitué il y a plus de deux mois, Victoria n’a eu à ce jour qu’une séance d’orthophonie. Le bilan réalisé à l’hôpital met en évidence les compétences de l’enfant à entrer en contact mais les interactions sont très brèves et elles ne sont jamais initiées par Victoria. Il n’existe aucune réaction aux sons avec ses prothèses mais comme aucune éducation auditive n’a encore été démarrée à ce jour, il est difficile de faire la part des choses entre une impossibilité ou un non entraînement. Les parents demandent au service hospitalier qui est sollicité pour la réalisation du programme d’implantation, une aide pour obtenir de l’orthophonie pour leur petite fille.
- Lola est devenue sourde à la suite d’une méningite contractée à l’âge de 28 mois. Elle est orientée un mois après vers le service ORL pour le diagnostic précis de sa perte auditive et l’organisation des moyens à mettre en place pour l’aider à se développer avec son nouveau statut perceptif. Dès le bilan, il apparaît nécessaire de la prendre en charge rapidement pour maintenir sa communication verbale tout en observant ses possibilités auditives avec l’appareillage qui se met en place. Par ailleurs, compte tenu de l’importance de la surdité et des risques d’ossifications cochléaires fréquentes dans le cadre des méningites, la question de l’implantation cochléaire est posée d’autant plus que les parents sont déjà demandeurs. On cherche à convaincre les collègues de ville aux horaires bien remplis de faire une petite place pour Lola. Les priorités urgentes pour Lola et sa famille sont de conserver le langage qui commence à se mettre en place et de favoriser les suppléances et les adaptations pour l’aider à maintenir la communication et les interactions verbales. Il est indispensable de soutenir et d’aider les parents à trouver des stratégies de communication en cohérence avec leur style langagier familial tout en prenant en compte la réalité de la surdité de leur enfant et de ses besoins spécifiques.
- Renaud, âgé de 7 ans, présente une cophose unilatérale sur l’oreille droite et une surdité moyenne appareillée sur l’autre oreille, il revient à l’hôpital dans le cadre de son suivi médical (bilan annuel avec audiométrie tonale et vocale). Appareillé à l’âge de 3 ans, il suit une rééducation orthophonique hebdomadaire en libéral depuis deux ans. Il va entrer en CE1 et l’orthophoniste propose de passer à deux séances par semaine. A l’école, il est aidé par une auxiliaire de vie scolaire qui intervient deux fois par semaine et poursuivra ce soutien dans le cadre du PPS.
Le bilan orthophonique réalisé dans le service hospitalier a pour objectif d’évaluer très précisément les compétences de Renaud dans les divers aspects formels du langage lexique, phonologie, syntaxe afin de répondre à la demande d’intensification de la prise en charge et d’ajuster avec la collègue de ville (qui a réalisé la rééducation et les bilans annuels de suivi) les objectifs thérapeutiques.
- Olivier est un adolescent qui présente une surdité sévère stable diagnostiquée à 24 mois et appareillée immédiatement. Il a suivi régulièrement une prise en charge orthophonique jusqu’à l’âge de 11 ans et est actuellement scolarisé en classe de troisième où il rencontre des difficultés avec la langue écrite. Le bilan orthophonique met en évidence des difficultés dans le respect des flexions verbales, les usages appropriés des articles, l’implicite et parfois dans la cohérence du récit. Il est nécessaire de reprendre avec lui un travail spécifique dans ces différents domaines de la langue écrite. Par ailleurs, l’évaluation complète du langage oral et écrit a mis en évidence une tendance à la postériorisation de l’articulation et une utilisation réduite du canal auditif. Ainsi alors que son gain prothétique lui procure une perception stable sur toutes les fréquences conversationnelles il utilise peu le canal auditif et notamment pour le téléphone où il n’a recours qu’aux textos. Il serait donc intéressant de pratiquer, en plus du travail sur l’écrit, une rééducation auditive. Une prescription de 50 AMO 15,1 est réalisée par le médecin ORL du service et plusieurs adresses d’orthophonistes sont fournies.
- Arthur est un jeune homme de 21 ans qui sort d’une école d’ingénieur et va entrer dans la vie active. Au cours de ses stages, il a observé qu’il n’était pas toujours bien compris de ses interlocuteurs, il formule donc une demande d’un travail sur son élocution pour améliorer son intelligibilité orale.
- Mr J. âgé de 58 ans, consulte également dans un service ORL d’adulte avec une demande d’apprentissage de la lecture labiale. Le tableau médical de sa surdité est celui d’un neurinome opéré du côté droit et d’une otospongiose récente à gauche. Il n’a plus aucun reste auditif à droite mais il perçoit correctement grâce à sa prothèse numérique droite, l’environnement sonore et la parole d’un interlocuteur isolé, situé à proximité et dans un environnement calme. Cependant la surdité devient plus présente et réelle pour lui notamment dans les situations bruyantes, les restaurants, les réunions... Ayant une vie professionnelle et sociale très active, il désire développer tous les moyens lui permettant de pallier aux situations de handicap et souhaite apprendre la lecture labiale pour compléter les informations auditives insuffisantes. La première difficulté pour réaliser ce travail est de trouver une orthophoniste disponible pouvant le prendre en charge pour ce travail rééducatif spécifique.
-Mr C, âgé de 72 ans présente une perte auditive depuis de 15 ans il vient d’être réappareillé mais il a désinvesti la communication et le monde sonore. Le bilan orthophonique est réalisé pour étudier l’opportunité d’une éducation auditive dans le but d’améliorer sa communication quotidienne.
2- Le tableau hétérogène des surdités :
Ces quelques illustrations révèlent combien les surdités ont des répercussions diverses sur la communication, le langage, la socialisation, l’affectif…et imposent des réponses spécifiques et ajustées.
La première attitude orthophonique est d’apprendre à penser les multiples situations de handicap créées par les surdités. Considérer la surdité uniquement à travers la difficulté à entendre, représentée par un audiogramme ne permet pas de se représenter la diversité des situations de communication, des ressources de chacun et des parcours langagiers et existentiels des uns et des autres.
L’on entend parfois dans les amphis certains étudiants déclarer « je ne m’occuperai jamais de sourds car c’est trop spécifique…, il faut connaître la langue des signes, …il ne faut faire que cela…, il faut un matériel spécifique … ». Certes les situations de surdité constituent un défi mais c’est autour de ce défi que s’est construite et développée notre profession. Défi pour faire vivre aux enfants sourds profonds une langue, la plus maternelle donc la plus naturelle possible. Défi pour faire évoluer des pratiques conservatrices dites de démutisation vers une parole de conversation plus chargée d’interactions et de sens. Défi pour construire le langage autour de la compréhension, des habiletés sociales à communiquer, de sa faculté à porter l’affectif et le créatif. Défi pour construire avec le devenu sourd une réception auditive qui lui donne accès à des paysages sonores en particulier celui de la communication verbale. Les savoirs orthophoniques, les pratiques et les outils rééducatifs en évolution constante permettent de relever ces défis au moyen de chemins de traverse, de passerelles, de stratégies, de processus, de négociations et non des caractéristiques d’un supposé protocole unique et spécifique d’évaluation et de rééducation.
Si l’on voit la personne sourde -enfant ou adulte- avant tout comme quelqu’un qui n’entend pas, qui signe, qui porte des appareils…on est paralysé par l’idée qu’il est impossible de communiquer directement avec lui et l’on ne va pas à sa rencontre. Alors que les personnes sourdes ont besoin tout comme les autres patients de l’orthophoniste, des compétences et des outils multiples dont disposent les praticiens afin d’être aidés dans leurs demandes au niveau de la communication et du langage oral et écrit.
Se limiter au repérage de marqueurs (voix, parole, articulation…), de caractéristiques (d’attitude, de comportements…), de traits spécifiques (compétences réduites en lecture, difficulté à traiter l’implicite…) cantonne le sujet sourd dans une appartenance à un groupe présupposé et empêche l’accès à la singularité de la personne qui consulte. Ce positionnement met en avant une identification à un groupe culturel (les Sourds), écartant de ce fait les stratégies personnelles de la personne sourde et de sa famille alors que chacun développe des processus divers pour entrer en relation avec son entourage et vivre dans son environnement familial, scolaire, social. Dans la réalité clinique quotidienne, on observe que les variables psychologiques, sociologiques, physiques, culturelles « mosaïquent » le contexte…et incitent les orthophonistes à proposer toujours et encore du « sur mesure » évolutif et adapté en puisant dans leurs diverses « boites à outils » pour aider l’autre.
3- La « boite à outils » des orthophonistes
Les techniques acquises au cours des études, actualisées par les formations diverses, la lecture de publications, la diffusion de recherches, la participation aux congrès… témoignent que les connaissances orthophoniques s’enrichissent dans divers domaines des troubles de la communication et du langage ce qui en retour nourrit les pratiques dans les domaines spécifiques.
- L’accompagnement de l’entourage et la guidance parentale.
Le rôle essentiel des familles est bien connu. Comme dans tous les troubles qui entravent la mise en place de la communication initiale mère/enfant, il est souhaitable dans le domaine de la surdité de commencer le plus tôt possible le travail orthophonique en direction de l’enfant et de sa famille pour les très jeunes et en direction de l’entourage du patient dans les surdités acquises de l’adulte.
Ces pratiques d’accompagnement sont familières aux orthophonistes dans de nombreux domaines des troubles de la communication (DTA, Autisme, Bégaiement …) de l’alimentation, du langage oral et écrit (Dysphasie Dyslexie…).Elles constituent une part essentielle de la prise en charge orthophonique.
- L’éducation précoce
Les orthophonistes ont des compétences en éducation précoce, elles savent favoriser la mise en place des interactions initiales et des dialogues mère/enfant. Par un travail axé sur les processus de communication et les contextes propices à l’émergence d’échanges entre l’enfant et son environnement, l’attention du professionnel se porte tout autant sur le bébé sourd que sur ses parents. En validant et encourageant les parents dans leurs intuitions, en respectant leur style cognitivo langagier, leurs ressources créatives l’orthophoniste travaille en « systémique ».
Il n’existe pas un modèle unique car chaque famille développe avec son enfant des usages singuliers et personnels à travers des actes, des comportements et des discours sur l’enfant. C’est avec tout cet ensemble que l’orthophoniste travaille en éducation précoce. L’intervention orthophonique est adaptée et flexible car chaque bébé sourd est unique et chaque famille est différente. Certains très jeunes enfants sont très silencieux et peu concernés par l’environnement, d’autres sont à l’affût du moindre évènement, s’intéressent à chaque déplacement, manifestent clairement leurs désirs d’être pris dans les bras, de bouger, d’échanger de mille et une façons. Il va s’agir pour l’orthophoniste qui prendra en charge ce bébé et cette famille de repérer la réalité de cet enfant et le vécu de la famille autour du bébé, d’aider les parents à mettre en scène ce qui peut renforcer, développer, enrichir la communication. Il s’agit de travailler avec cette famille « unique », de développer des stratégies à partir de la singularité de cet enfant au sein de la famille.
Le langage est acquis pendant certaines périodes sensibles des premières années de vie et la privation auditive a des retentissements sur le développement cognitif, affectif et social de l’enfant qui se réalise en synergie avec l'acquisition de la langue.
L’enjeu majeur de la rééducation précoce, démarrée dès le diagnostic, est de permettre à chaque enfant sourd de développer des stratégies de communication qui lui permettront d’accéder au langage. Dans cette phase initiale de la prise en charge, l’objectif de l’orthophoniste est de développer l’appétence de l’enfant sourd à la communication par des stimulations ludiques multisensorielles (tactiles, auditives, visuelles…) et de valider les compétences des parents en les entraînant à utiliser tous les moyens de communication verbale et non verbale (mimiques, orientation du regard, productions sonores renforcées, imitations réciproques, lecture labiale…), à entretenir et stimuler les productions sonores du bébé, à construire des interactions de communication dans le quotidien au moyen de routines interactives précoces.
On ne peut envisager le dépistage des troubles d’audition à J+2 sans un accès rapide et aisé à une prise en charge orthophonique.
- Les évaluations
Quel que soit le domaine concerné, le bilan orthophonique est l’acte indispensable à toute décision thérapeutique, cet outil de dépistage, de diagnostic et de prévention constitue la première étape du traitement.
A l’aide d’un entretien (observation du patient et de son entourage familial), d’une anamnèse et de la réalisation d’épreuves et de tests standardisés, il permet à l’orthophoniste de poser le diagnostic d’un trouble. L’analyse des résultats aux tests mise en perspective avec l’observation et l’anamnèse permet de juger de la nécessité immédiate ou différée d’une rééducation. Ce bilan orthophonique conduit à établir un programme thérapeutique et des objectifs rééducatifs en fonction des résultats de l’évaluation et de leur mise en perspective avec les autres évaluations (médicales, psychologiques, audoprothétiques).
Le schéma global de l’évaluation dans le domaine des surdités partage de nombreux points communs avec le bilan orthophonique de base même si les deux derniers points du tableau présenté ci-dessous (tableau 1), sont plus approfondis dans le domaine de la surdité. Cependant l’observation des stratégies d’écoute, l’étude de la conscience phonologique, l’utilisation des informations visuelles, de l’observation du visage et le recours ou non à la lecture labiale constituent des critères à prendre en compte dans certains troubles du langage autres que la surdité. Leur observation et leur analyse sont prises en compte par de nombreux praticiens.
Tableau 1 : Organisation générale des bilans
1) Situer la demande.
2) Observer les modes de communication et de compensation du patient et de l’entourage.
3) Evaluer les aspects formels et fonctionnels du langage : phonologie, lexique, syntaxe, discours, intelligibilité, pragmatique.
4) Analyser les compétences cognitives : attention, mémoire
5) Etudier l’audition et la dynamique d’écoute
6) Observer les usages de la lecture labiale
Pour les très jeunes enfants, les orthophonistes ont recours à des grilles d’observation et des questionnaires à proposer aux parents ce qui permet d’avoir accès à un relevé des possibilités expressives et réceptives de l’enfant. De plus certains outils d’évaluation utilisables dès l’âge de 2 ans commencent à voir le jour.
Tableau 2 : Observation des interactions verbales
Grille d’observation des interactions verbales
- Initiation de l’échange : qui ? où ? quand ? comment ?
- Sollicitation et maintien de l’attention.
- Respect des tours.
- Attitude d’attention et d’écoute de l’autre.
- Relance de l’échange.
- Clôture de l’interaction.
A partir de l’âge de 3 ans, des tests standards sont utilisés par les orthophonistes. Ces outils font partie de la boite à outil basique des professionnels qui les connaissent depuis leur formation universitaire initiale et les utilisent au quotidien dans leur pratique clinique. Et en fonction de leurs habitudes les professionnels peuvent choisir parmi les tests dont les plus fréquents sont présentés dans le Tableau 3.
Tableau 3 : Epreuves et tests
Module | Tâches | Test | Âge |
LEXIQUE | Dénomination Désignation Définition | ELO NEEL EVIP TVAP | 3-10 ans 3,7 - 8,7 2,5 – 18 3 – 8 |
PHONOLOGIE | Praxies Répétition Diadococynésies | BEPLA ISADYLE NEEL ELO | 2,9 – 4,3 3 – 12 ans |
SYNTAXE | Réception Expression | ECOSSE ELO MLU NEEL TLC | 4 – 12 ans |
PERCEPTION AUDITIVE | BIA Listes de mots Phrases Gnosies auditives | Lafon Boorsma Fournier GAP | Enfants Et Adultes |
- Les modalités d’interventions orthophoniques
Education ou rééducation
Comme le rappelle les auteurs du dictionnaire d’orthophonie « la rééducation orthophonique est un terme générique recouvrant des réalités diverses en fonction des troubles (troubles acquis ou développementaux), de la pathologie concernée, des demandes de la personne (enfant ou adulte), des modalités d’intervention du praticien (choix des méthodes), et des modalités pratiques des séances (durée, fréquence, travail en relation duelle ou en groupe, en équipe pluridisciplinaire ou non, etc…). De façon générale, la rééducation orthophonique a pour but de mettre en place des capacités ou des compétences spécifiques, de restaurer un fonctionnement normal, et/ou de mettre en place des moyens palliatifs ou de compensation. Elle implique un accord initial entre l’orthophoniste et le patient, et nécessite des réajustements en cours d’évolution. »
Si nous cherchons à préciser la nature de la rééducation orthophonique dans le cadre de la surdité la question du concept même de rééducation est immédiatement posée. Ainsi Elisabeth Manteau propose de mettre le préfixe « ré » entre parenthèses. « Lorsqu’un orthophoniste a pour charge d’accompagner un enfant sourd et sa famille dans le parcours qui va mener cet enfant à la meilleure maîtrise possible du langage, cet immense chantier s’apparente plus à une éducation, qu’à une (ré)éducation proprement dite. »
Et comme l’affirmait Suzanne Borel Maisonny «il faut louvoyer au fur et à mesure…Je dirais qu’il s’agit en fin de compte d’une éducation à l’écoute du sujet, sans perdre cependant le fil conducteur pour sortir du labyrinthe de composantes que présente chaque cas ».
Cette éducation s’inscrit dans la durée et il semble que plusieurs années d’interventions orthophoniques soient nécessaires comme dans les tableaux de dyslexie, de dysphasie, de pathologies neurologiques.
Le cadre formel : la nomenclature
Pour déterminer les actes orthophoniques dans le cadre de la surdité, la nomenclature utilise les terminologies de « réadaptation », « démutisation », « éducation », « rééducation ». Ainsi des séries de 30 séances individuelles de 30 minutes (renouvelables par séries de 20) permettent d’effectuer des « séances de réadaptation à la communication dans les surdités acquises appareillées et/ou d’éducation à la pratique de la lecture labiale » (AMO12). Tandis que des séances de 45 minutes demandées par série de 50 (renouvelables par 50) permettent de réaliser « la démutisation des surdités du premier âge, appareillées ou non, y compris en cas d’implant cochléaire » (AMO 15,4), et « la rééducation ou conservation du langage oral et de la parole dans les surdités appareillées ou non, y compris en cas d’implantation cochléaire » (AMO 15,1). Les techniques de groupe autorisent des séances « d’éducation à la lecture labiale » auprès de 4 personnes (AMO5).
Les précautions du législateur révèlent la diversité des actions orthophoniques dans le domaine des surdités et prend en compte tout autant la surdité congénitale qu’acquise indépendamment des âges de survenue de cette surdité et des modalités de réhabilitation auditive (implant cochléaire, prothèse conventionnelle).
Les « techniques »
A travers leur formation universitaire initiale, les orthophonistes découvrent la problématique de la surdité, se forment aux parcours subtils du développement langagier des enfants, adultes et personnes âgées sourds, aux différentes approches et techniques qui permettent de favoriser et de compléter l’acquisition du langage oral par des systèmes alternatifs et/ou augmentatifs de la communication, LPC, LSF, FSCC…, d’améliorer la voix et la parole (méthode verbo tonale, dynamique naturelle de la parole…), de favoriser l’accès à l’écrit (approche Borel Maisonny…), d’approfondir la syntaxe (abord de Mme Sadek…). Les enseignements de neuropsychologie, psychologie, neurologie, linguistique… donnent accès à des modélisations et des étayages théoriques qui ouvrent des perspectives. Au-delà de la formation universitaire initiale, les orthophonistes engagés dans toute prise en charge de patients atteints de troubles du langage et/ou de la communication révèlent une grande motivation à apprendre encore et toujours car le travail avec ,os patients permet d’approcher les mystères du langage, d’en saisir sa complexité et d’apercevoir les divers chemins pour le conquérir ou le reconquérir.
Souvent les techniques apprises et utilisées dans le domaine des pathologies spécifiques sont réutilisées pour d’autres troubles du langage. Le Makaton en représente une illustration. A l’inverse le travail sur la voix s’enrichit de pratiques développées dans le domaine des dysphonies. La projection vocale qui fait souvent défaut aux adolescents et adultes sourds en est un exemple.
Le travail en réseau
Contrairement à ce qui se passait il y a plus de 10 ans dans le domaine des surdités l’orthophoniste ne travaille pas seule mais au sein d’un réseau dont le tableau suivant fournit une représentation. Les professionnels impliqués et les structures sont situés par rapport à quatre secteurs mobilisés pour qu’une prise en charge soit complète : domaine social, audiophonologique, psychologique et pédagogique.
L’orthophoniste demeure par la fréquence de ses interventions (1 à 3 fois par semaine) la personne qui rencontre le plus souvent la famille et l’enfant mais elle ne travaille pas de manière isolée. Comme dans tous les domaines, l’orthophoniste travaille avec de multiples partenaires et pour des actes qui ne sont pas uniquement rééducatif. La participation à l’élaboration des Projets Personnalisés de Scolarité (PPS) ou des Projets d’accueils individualisés (PAI) en constitue une illustration.
Conclusion
En 2007, certains orthophonistes qui interviennent dans la prévention, l’évaluation et le traitement des troubles de la communication, de la voix, de la parole et du langage oral et écrit hésitent à prendre en charge des bébés, des enfants, des adolescents, des adultes ou des personnes âgées sourds. Les délais pour obtenir des rendez-vous dans les services hospitaliers, les listes d’attente en libéral, les postes non pourvus dans les Camsp, les Ssefis… témoignent que pour la surdité comme pour les autres domaines de soins, le nombre des professionnels demeure insuffisant pour répondre aux besoins de la population dans les divers domaines de compétences spécifiques de l’orthophonie.
Il apparaît nécessaire de former plus de praticiens mais également de mobiliser les nouveaux orthophonistes et ceux qui pratiquent déjà, à prendre en charge les personnes sourdes. Le dépistage de la surdité à J+2, le recours de plus en plus fréquent aux implants cochléaires, les textes en faveur de l’intégration…ouvrent de nouvelles demandes qui ne peuvent rester sans réponse.
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